Vous avez peut-être remarqué que je n’ai pas posté de billet pour le 14ème jour. C’est simplement car il ne s’est rien passé d’extraordinaire. En revanche aujourd’hui, vous n’allez pas être déçu du voyage! Si vous avez le coeur accroché et que vous n’avez pas mangé avant…
CC Manon Paradis
La journée débute paisiblement par des prises de constantes. L’appareil pour prendre les tensions est encore une fois très capricieux. Vers 9h30, un décès est signalé. Il s’agit d’une dame âgée ayant eu un AVC et qui était en dépression (celle qui ne mangeait plus rien si vous suivez un peu).
Donc vers 10h30, Manu, le thanatopracteur dont je vous avais parlé le premier jour arrive. Une infirmière, Dorothée, toujours très agréable, me demande si je veux aller voir. J’acquiesce. Elle me dit : « Tu es bien sûr? Tu as mangé avant? » Je dit « oui oui, il n’y aura pas de problèmes ». De toutes façon, il faut que je m’habitue pour les dissections. Une élève infirmière vient avec nous
Nous rentrons dans la pièce où il y a le corps avec une élève infirmière. La chaleur y est étouffante. Le corps ne se conserverait pas longtemps dans cette chambre. Manu nous présente son parcours.
Il a commencé à 14 ans. Après avoir travaillé dans le privé et s’être spécialisé dans la préparation des foetus (c’est lui qui s’est occupé des foetus stockés dans le sous sol de l’hôpital St Vincent de Paul), il est actuellement président de l’association des embaumeurs et thanatopracteurs au niveau européen. Il a donné des cours dans quelques facs de médecine et écrit en ce moment un livre sur la préparation mortuaire.
Après cela, il nous rappelle un peu les bases de la décomposition des corps (lividités dans les zones déclives, rigidité,etc) et commence la toilette mortuaire.
La dame qui était mal installée sur son lit, un peu affalée, doit être redressée. Mais de quelle façon! Manu a attrapé la tête par dessous le menton, et a tiré par la tête pour remonter la dame sur le lit. Tellement fort qu’on a entendu les cervicales craquer, comme dans les films, vous savez, sauf que là ça n’est pas un bruitage. Au moins est-on certain qu’elle ne se réveillera pas. Je lui ai demandé un peu après pourquoi il avait procédé de cette manière. Il m’a dit que parfois quand on attrape des personnes âgées décédées par les bras, la peau des bras nous restent dans la main comme un simple film de célophane. Mieux vaut attraper par le cou pour permettre une bonne présentation à la famille.
Par la suite, Manu vaporise un produit désinfectant sur tout le corps. Quelle odeur! Ca plus la chaleur, il y avait de quoi faire un malaise.
Il commence désormais au visage. La pauvre femme, qui avait une infection buccale, laissait tout le temps sa langue dehors. Seulement une contraction des maxillaires suite à la mort a fait qu’elle s’est mordu fortement la langue jusqu’à se la déchirer. Manu prends donc une espèce de mini pied de biche et force sur la mâchoire pour faire levier. Les os et les dents craquent (si seulement vous pouviez entendre le bruit), l’élève infirmière, blême, s’assoit sur le fauteuil mais Manu parvient tout de même à ouvrir la bouche et à y replacer la langue, blanche, pleine d’aphtes.
Il faut maintenant enlever les croûtes de sang autour de la bouche. Facile ça! Ensuite Manu met quelques cotons devant les gencives pour éviter leur affaissement.
Vient maintenant la difficile épreuve du point de bouche. Manu, nous prévient, si on n’en a pas l’envie, on ne regarde pas car ça va être choquant. La manoeuvre consiste à passer un fil au dessus du palais et en dessous du maxillaire inférieure pour laisser la bouche fermée. Pour cela, Manu saisit un crochet, comme celui pour aller à la pêche sauf qu’ici il mesure environ 10 cm de haut. Il y accroche un bon fil et le passe dans la bouche. Là, il transperce la palais pour arriver dans une des deux narines puis traverse le septum séparant les deux narines, revient dans la bouche, transperce la chair sous le menton repasse dans le même trou et là il peut faire un noeud dans la bouche. Pour se mettre dans l’ambiance, il faut bien s’imaginer les craquements de la peau et des cartilages à chaque passage du crochet.
C’en est presque terminé, il ne reste plus qu’à poser une sorte de lentille sur les yeux pour éviter la rétractation du globe oculaire. C’est moche des yeux de morts qui louchent. Puis petite séance de maquillage pour donner un aspect moins blanc au visage. Habillage, présentation soignée du lit et croisement des mains.
En sortant Manu me demande ce que j’aimerais faire plus tard. Je lui dit que pour l’instant je suis branché imagerie médicale ou anesthésie-réanimation. Il m’a alors répondu que si je veux, je pourrais aller faire un tour en réa car il connaît tout le monde à l’hôpital. Vraiment sympa!
L’après midi, je suis allé avec le Dr C* faire quelques échos doppler. Et le moins que l’on puise dire, c’est que ça semble super compliqué à utiliser. Le Dr C* manipule la machine à vitesse grand V sans que je n’ai le temps d’observer sur quelles touches il appuie.
Impressionnant, c’est le mot qui résume le mieux cette journée!
© Mdkart sur Mdkart, 2006. |
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Tags: Armentières, Cardiologie, Médecine, Mort, Stage